150g de nutella, 6 crêpes, 2 bananes, 1 baguette, 8 BN, 5 yaourts à la vanille, 4 pommes, 2 tablettes de chocolat noirs, 200g de purée, 24 petits beurres, 60g de chips, 24 palets bretons, 2 pains au lait, 4 mars, 100g de pates. 9156 calories. Ou l'équivalent de ce que je mange en un mois en moyenne. Ou de ce qu'une personne dite normale ingurgite en un peu moins de 5 ou 6 jours. La douleur physique. Le ventre dur et gonflé. L'impossibilité de se lever pendant plusieurs heures. 1, 2, 3 spasfon. La douleur morale. La honte. Le dégout. La haine de soi. Le poids pris. 1, 2 voir 3kg. Le miroir. Les jours qui passent. L'attente. Le sport. La privation. Le sourire mesquin. Le cercle infernal.

" Bienvenue dans ma bacchanale. Nourrissage hyperphage. Bulimiarexia bulimia nervosa."

Je n'ai pas de nom, encore moins de famille. Je suis juste un numéro, vivant parmi mes congénères. Vous me direz, comment éprouvez de la compassion pour mon espèce? Dans vos supermarchés, emballés sous cellophane nous sommes seulement de la chair fraiche, prête à être déguster. Facile à préparer, chaud ou froid, une aile ou une cuisse, rien n'est trop bon pour vos papilles. Le plus dur parmi tout ça ? L'indifférence. "Il faut bien se nourrir" disent-ils sans l'ombre d'aucun remord. Une simple reconnaissance serait-elle trop demandée? De la naissance à la mort, nous ne connaitrons qu'une continuité de nuits sombres,plongées dans une chaleur suffocante. Nous sommes des prisonniers innocents, incapable d'avoir la moindre chance de s'en sortir.Je ne sais pas combien nous sommes, des centaines, des milliers, peut-être plus. Je n'ose même plus bouger, ici des cadavres gisent, comme quand vous, êtres humains, faites la guerre. Nous ne resterons pas longtemps, juste de quoi s'engraisser un peu plus chaque jour. Demain je n'aurais que six semaines, et il est temps pour moi de laisser ma place. Depuis quelques minutes c'est la pa***, des plumes volent un peu partout, certains de mes amis se font piétiner par des Hommes non respectueux. Je sens qu'on se déplace malgré que je ne puisse plus bouger. Le trajet est long et épuisant, mais il faut tenir. Je veux voir ce qu'il passe dans ce qu'on appelle un abattoir. Je ne sais plus trop où je me trouve, tout est confus. Depuis quelques minutes, ma tête tourne, je suis comme à demi conscient, pendu par les pattes. Ils nous étourdissent, "pour atténuer la douleur", comme ils disent. Je sens que la fin est proche, je vois mes semblables se faire assassiner, sans aucune pitié. Regardez-nous, prenez le temps de nous observez et réfléchissez à votre condition d'être supérieur. Entre vous et l'animal, qui est l'être le plus bestial ?