Chapitre 1 

Carla


Les yeux plissés par l'extrême attention qu'ils soutenaient pour suivre leur proie, la femelle, tapie derrière une rangée de voitures, attendait le moment propice au sacrifice qui étancherait sa soif devenu quasi insoutenable à l'approche de sa victime ignorante. 
En un bond, Carla, jeune vampire d'environ 25 ans, créature magnifique et maléfique, dont la cruauté n'avait guère de limite, se trouva sur le chemin de sa proie. Elle avait un air angélique malgré le cramoisi de ses prunelles. La blondeur de ses cheveux lui attribuait souvent des vertus qu'elle n'avait pas. Elle prit un air craintif et perdu pour aborder timidement le jeune homme qui la croisait. 
-S'il vous plaît, Monsieur, pourriez-vous m'aider ? Je viens de me tordre la cheville et ...
A ces mots, le jeune homme se pencha pour examiner la cheville de cette ravissante blonde. 
Les yeux rouges se dilatèrent, les narines frémirent et la femelle planta ses dents aiguisées dans l'appétissante veine qui venait de se gonfler sous l'effort. 
Il n'eut pas le temps d'émettre un bruit, pas même un soupir, que son corps s'affaissa lourdement sur le trottoir, vidé de sa substance vitale. 
La femelle émit un petit claquement de langue satisfait, éclata d'un rire sourd en s'éloignant quand, soudain, elle fit brutalement demi-tour en fouillant dans un petit sac à mains. Elle en sortit un couteau à large lame qu'elle planta rapidement dans le cœur de sa victime. 
– Pff, les apparences ... maudits humains ! grommela-t-elle entre ses dents en repartant à la recherche d'une autre victime, sa soif n'étant pas totalement étanchée. 
Elle laissa passer une femme entre deux âges qui déambulait seule malgré l'heure tardive, l'air perdu dans de tristes pensées. 
– Une suicidaire, pensa Carla amusée, je ne lui ferai pas ce cadeau, pauvre humaine stupide ! 
Carla préférait les hommes jeunes, et s'ils étaient beaux, elle s'amusait un peu avec eux avant de s'en délecter. On peut bien jouer avec la nourriture, rit-elle intérieurement. Certains espérant trouver, dans le plaisir fourni à la belle, l'occasion de sauver leur vie, déployaient tout leur talent d'amant. Mais jamais aucun n'avait été sauvé. Elle avait juste dégusté le dessert avant le plat de résistance !! pensa-t-elle, riant de sa blague ! 
Quelques instants après, l'ouïe particulièrement développée de la jeune femme l'avertit qu'un humain approchait. Elle adopta aussitôt l'allure d'une touriste perdue mais aussi vite enragea de l'odeur pestilentielle qui accompagnait sa proie.
-Un chien ! Ce crétin d'humain est avec un chien ! Quelle manie ont-ils tous de se flanquer de chiens à tout bout de champ ? Ça gâche le repas cette puanteur ! maugréa Carla !
En trois bonds, Carla se retrouva en bordure d'un parc baigné dans le noir et le silence, une odeur alléchante vint lui caresser les narines. Cette fois pas de mauvaise odeur à l'horizon, voyons de quel genre d'humains il s'agit. 
Un homme encore jeune vêtu d'un survêtement noir, courait à petites foulées dans une allée déserte. On va jouer un peu avec celui là, décréta Carla de fort mauvaise humeur. Elle bondit face à lui, les mâchoires ouvertes en guise d'avertissement, un râlement sourd sortait de sa gorge ouverte, les yeux injectés de sang, prête à bondir sur le joggeur. 
-Eh, ma belle qu'est-ce qui vous arrive ? Ce n'est pas Halloween !! 
-Non, c'est pire ! Alors on se promène tout seul ? interrogea-t-elle agressive.
-D'habitude ce sont les hommes qui disent ce genre de chose !! s'amusait le sportif.
En réponse, elle lui griffa profondément le bras gauche, puis l'attrapant par la nuque, le balança de droite à gauche, comme un chat jouant avec une souris. Le joggeur, totalement paniqué, tentait d'émettre un son mais rien ne sortait de sa bouche. Il écarquillait les yeux, vides de sens, renonçant déjà à la vie et dans l'espoir que la mort fut la plus rapide possible. Ce qui n'arriva pas. La jeune vampire de fort mauvaise humeur joua même les prolongations, en le vidant de son sang, lentement, revenant à plusieurs reprises à la source, le laissant encore en vie pour prolonger le supplice. La délivrance arriva et l'homme en survêtement noir put enfin reposer en paix, recroquevillé sur le bord du sentier, une expression d'horreur figée sur son visage. 
Carla l'arracha du sol par une épaule et le projeta sur le pare choc d'un camion garé à proximité puis le rejeta avec violence contre un arbre bordant le parc. 
-Encore un délit de fuite !! Ah sacré humains !! Tous ces accidents de voiture !! ricanait-elle tout en bondissant vivement pour rentrer chez elle.