C'est  à moi que le Maître a confié sa clef. 
 

     Le pendule... Sans lui pas d'accès au manoir. Et c'est à moi qu'il l'a confié. Pas à cette pathétique poupée que sa femme aimait tant. Oh, bien entendu, elle savait sourir cette linotte mielleuse, minauder, faire la moue,  mais défendre le domaine... Je me permets d'en rire.  La dame aurait tant  voulu qu'il l'aima autant qu'elle. Mais il n'était pas dupe. 

     Personne n'a jamais pu duper le Maître. Cette pâle copie n'avait  absolument rien d'un authentique automate. En revanche, je suis née de ses mains d'orphèvre. Peu d'entre nous peuvent s'avérer aussi reconnaissants envers leurs maîtres que je ne le suis. Il m'a tout donné, la vie immortelle, la conscience de mon existence et un corps sans faiblesse, aucune. Plus que tout, je commence à comprendre, si longtemps après sa disparition, après tant d'années passées dans l'obscurité du manoir, seule, je commence à soupçonner qu'il m'a fait le don le plus précieux qu'un créateur puisse offrir à sa créature : le Maître aurait-il osé me donner une humanité ?

     Si longtemps après sa mort, il continue de me manquer. Lorsque, les jours les plus sombres, je crois me noyer dans cet abysse de solitude qui m'habite, je vois encore ses mains de vieil homme se porter à mes lèvres pour les étirer en un drôle de sourire.

     Combien de siècles depuis sa mort ? Deux ? Peut-être trois ? Les jours se confondent.

     Jamais, je n'ai encore jamais quitté le manoir.

G.R.

" Plus nous converserons, vous et moi, mieux cela vaudra ; si je ne puis vous flétrir, vous pouvez, vous, me rénover. "

Bien à vous,

G. R.

Prosaïque P. S. : Je ne souhaite pas que les votes que je donne me soient nécessairement rendus et je m'excuse par avance de ne pas les accompagner d'un commentaire,

Coordialement votre.