Mon angoisse augmentait au fur et à mesure que j'avançais dans le dédale de petites ruelles sombres. J'avais peut être été un peu prétentieuse en affirmant tout à l'heure que je ne craignais rien et que c'était inutile que quelqu'un me raccompagne puisqu'il devrait faire le chemin inverse seul ensuite. Attendez je rêve ou quelque chose viens de bouger là bas ? il serait peut être plus sage de faire demi-tour... Et reconnaître que j'ai eu la trouille ? Ça jamais ! Je continuais mon chemin, mes pas de moins en moins assurés sur mes stilettos lorsque qu'une ombre traversa la rue à toute allure quelques mètres plus loin … Ouf un chat ! J'avais vraiment été stupide de m'inquiéter comme ça ! Rassérénée je me hâtais tout de même vers le boulevard éclairé dont j'apercevais la lumière d'ici.

Chapitre I

« Une jeune fille de type caucasien, environ 18 ans, brune, 1m68. Je situe la mort aux alentours de 6h00 du matin. A en juger par sa tenue elle rentrait de soirée et vu les godasses qu'elle a aux pieds elle a pas fait des kilomètres. On a trouvé des traces de viol, dont du *** mais aucune correspondance dans nos fichiers. Hématomes sur tout le corps : ce qui est sûr c'est qu'elle ne s'est pas laissée faire sans rien dire la gamine …

• Cause du décès ?

• Oui, bien sûr, il semblerait que ce soit un violent coup à l'abdomen porté par un objet long et fin, qui soit à l'origine de la mort ça lui a transpercé le bide à la petiote

• Bien. Autre chose ?

• Non, je vous faxerais mon rapport »

C'est ainsi que commença la journée du commissaire Toletti, son gobelet de café à la main il quitta la salle d'autopsie du docteur Perkins et remonta vers la salle de réunion où ses hommes l'attendaient pour un brief. C'était ce qu'il détestait le plus ce genre de crimes : des crimes commis par des gamins qui à force de jouer à leurs stupides jeux vidéos croient qu'ils peuvent se pointer, violer une pauvre innocente en pleine rue, la tuer et continuer leur vie comme si c'était normal, de pauvres gamins paumés dont les parents pour ne pas trop se fouler avaient laissé l'éducation à la télé et aux diverses consoles Il ne voyait que trop bien ce que ça donnait aujourd'hui.

• Tout le monde est arrivé ? Bien.

Il s'éclaircit la voix :

• A l'ordre du jour : Viol et meurtre d'une jeune fille de type caucasien, environ 18 ans brune, 1m68, au vu de ses fringues elle rentrait de soirée, elle a été découverte tôt ce matin par un passant. L'heure du meurtre est estimée à 6h00 et un objet contendant en serait à l'origine.

  Thalet, Sian : tour du voisinage, quel appartement donne sur la ruelle, qui a entendu quoi à quelle heure … peut être des infos à tirer d'un chauffeur de bus qui passait par là … et hey c'est le marché ce matin pensez aux commerçants,

  Tibert, Nivel, je veux tout savoir sur cette fille, qui elle était, son histoire, tout,trouvez moi d'où elle venait : faites le tour des boîtes de nuit desquelles elle aurait pu rentrer à pied … et des autres après tout elle a pu se faire déposer en voiture un peu plus haut, si c'est pas concluant tour du voisinage pour savoir si il y a eu une fête dans les parages la nuit dernière,

  Duani, Bernot : scène de crime : Tous les indices que vous pouvez trouver, vu comment ils s'y sont pris l'arme du crime doit encore y être. La victime n'avait plus son sac à main fouiller les rues autour voir si ils l'auraient pas laissé en chemin

  Des questions ? ...

  A vous de jouer alors !

   

Un silence de plomb régnait dans la salle, perturbé soudainement par le raclement des chaises sur le sol tandis que tous suivaient les directives qui leur avaient été adressées.

***

Alors qu'une voiture partait rejoindre les lieux du crime afin d'y rechercher de nouveaux indices les deux inspecteurs chargés de retrouver la trace de la victime se retrouvèrent autour du fichier des personnes disparues.

• y z'auraient pas pu nous trouver plus banale comme fille non ? Taille moyenne, couleur de peau standard, brune, même sa pointure est dans la moyenne !

• Arrêtes ! T'auras un peu de respect pour un mort un jour ?

• Mais sérieux tu veux qu'on la retrouve comment nous cette fille : avec les infos qu'on a ça correspond à la moitié de la population !

• Déjà elle est pas dans le fichier et la scène du crime laisse penser qu'elle n'avait pas disparu avant aujourd'hui, quelqu'un ne devrait pas tarder à appeler pour signaler sa disparition.

• Et en attendant on fait quoi ?

• On rejoins les autres et on cherche d'où elle venait cette fille. Tu l'as eu en promotion canapé ton poste ou quoi ? lui répliqua Marie.

Plutôt grande, châtain très clair et élancée Marie Tibert était ce à quoi l'on s'attendait le moins en guise d'inspecteur de police. Son caractère timoré était également loin de faire l'unanimité auprès de ses collègues même si tous lui reconnaissaient sa douceur et sa gentillesse infaillibles quoi qu'il arrive, et qui faisaient d'elle un atout majeur dans l'aspect relations humaines du métier. A l'opposé son coéquipier actuel, Marc, jeune chien fou bien qu'ayant deux ans de plus qu'elle, aussi impulsif qu'elle était réfléchie. Elle attrapa sa veste sur le dossier de sa chaise et se dirigea vers la porte. Il lui emboîta le pas.

***

Les inspecteurs Duani et Bernot se garèrent dans une des principales artères de la ville, en amont de l'intersection avec la ruelle où l'on avait trouvé la victime. C'était un vendredi matin, jour de marché et la rue grouillait de monde. Un carré d'environ 4m² au bout de l'allée en interdisait l'accès aux badauds et si tous s'étaient précipités aux premières lueurs de l'aube poussés par la curiosité maintenant qu'ils savaient qu'ils n'y apercevraient rien qui vaille la peine personne n'y prêtait plus attention.

Les deux coéquipiers descendirent la rue en silence et se faufilèrent sous les bandes qui délimitaient la zone. La ruelle restait sombre malgré le ciel dégagé, les hauts immeubles qui l’encadraient la maintenaient à l'ombre toute la journée. Même à cette heure avancée de la matinée elle était lugubre. Les murs étaient seulement percées par de très petites fenêtres sans doute donnant sur des salles de bains ou ses toilettes. La ruelle pavée était bordée de monceaux d'ordures et le tout empestait. De plus une immonde odeur d’égout venait s'y ajouter.

Les deux inspecteurs échangèrent un coup d’œil : la trace du corps était encore fraîche et le sang de la victime avait ruisselé entre les pavés mais le centre de la rue piétonne était dégagé et il était évident que rien n'aurait pu y traîner sans qu'on le remarque. La recherche d'indices que leur avait ordonné Toletti se résumait donc à l'inspection de toutes ces poubelles délestées sur les bas-cotés.

***

Le fax du médecin légiste arriva un peu plus tard dans la matinée. Après avoir retiré les chaussures de la victime il avait découvert des traces de liens autour des chevilles, certains de ses ongles de pieds avaient été cassés et cela avait été masqué avec du vernis. La jeune femme étaient couverte de bleus et si ils étaient apparus tout d'abord comme résultant de l'agression il apparaissait finalement que la plupart y étaient antérieurs. Il était également en mesure de confirmer l'heure de la mort, 5h30. D'après l'autopsie la victime était bien imbibée et n'avait dans l'estomac que quelques cochonneries genre chips et autres bonbons. Bien étrange affaire que celle qui les occupait à présent. Une jeune fille dont les symptômes correspondraient à un enlèvement mais quel kidnappeur digne de ce nom offrirait à boire à sa proie avant de la libérer ? Le docteur Perkins se remémora l'épisode d'une série qu'il avait visionné avec sa femme une semaine auparavant où des agents spéciaux se retrouvaient au cœur d'un jeu de rôle qui avait fini par être translaté de la toile à la vie réelle et où de jeunes gamins se faisaient ainsi tuer en pleine rue, parce que tout simplement c'était le but du jeu. La jeune fille aurait-elle pu être capturée puis relâchée pour le plaisir de la chasse ? Le médecin étouffa un soupir et s'estima soulagé de n'avoir qu'à analyser les cadavres et pas à enquêter dans cette affaire.