TEMPLATION

 

 

 

"Ils ne tirent plus que sur les innocents." 

 

 

 

Ils prétendaient tout faire pour arrêter cette guerre insensée. Je les ai cru jusqu'au bout. Jusqu'à que je comprenne que cela ne servait plus à rien d'attendre quelque chose de leur part. Alors, je suis morte. Morte pour renaitre. Morte pour recommencer mon histoire. Morte pour changer l'avenir de notre monde. Moi qui n'osais, jadis, pas m'approcher de la violence, j'ai fini par la toucher. Du bout de mes doigts jusqu'au plus profond de mon être, je croyais en ce futur qui s'annonçait pourtant beaucoup trop imprécis. J'avais une raison d'y croire. J'avais une raison de vivre.

Nel.

 

C'est l'histoire de deux adolescents qui avaient tout perdu. L'histoire d'un amour naissant. L'histoire d'une renaissance. L'histoire d'une Deesse. L'histoire d'un monde qui allait s'ecrouler. C'est notre histoire a tous.

 

 

 

L'astre despotique de nos cieux renvoyait ses derniers rayons sur les toits carmins des maisons du village. Le ciel avait pris des couleurs semblables à celle qu'avaient pris les feuilles des arbres en cette saison: d'un garance étrangement éblouissant. Une douce bruine chaude était venue se mèler aux murmures du vent qui venait de se lever. Lënn marchait d'un pas aussi léger que pressé dans les rues encore bruyante de ce début de soirée automnale. Tentant tant bien que mal de se frayer un chemin entre les passants de cette ruelle marchande, elle lançait parfois de faibles sourires gênés à ceux qu'elle bousculait. Parfois même, elle se retournait et criait de naïves excuses. A l'époque, ses cheveux étaient encore longs et semblaient accompagner le vent dans sa danse éffrénée et mélodieuse. Sa peau, ses yeux, sa chevelure et même ses lèvres étaient d'une clarté qui savait étonner tous ceux qui la rencontraient. Elle s'amusait des remarques des autres, qu'elles soient agréables ou non. Son physique faisait d'elle une personne originale et elle était, dans son village, connue pour cela. Elle était souvent le centre des rumeurs stupides que les vieilles comères savaient véhiculer. Tantôt, elle avait des liens de parenter avec la famille royale, tantôt elle était la fille d'une sorcièe... parfois, elle était même une de ces Swüdles, enfants voleurs, ***es des adultes qui les avaient és. Comme elle était orpheline, elles pouvaient tout s'imaginer et ne se gênaient pas. Même sans parents, Lënn paraissait couler de jours heureux dans la pension où elle avait été placée. Elle avait des amies, des personnes sur qui compter. Mais, un beau jour, tout bascula. Tout le monde le savait à l'avance, mais personne ne voulait l'admettre. La dernière solution qu'avait trouvé le gouvernement pour récupèrer "ce qui leur appartenait" soi-disant était la guerre. Au début, la population n'était pas touchée. C'est lors du sixième jours de décembre d'une année maintenant lointaine que les horreurs commencèrent. Lorsqu'une pluie obus s'écrasa sur la pension, les seules survivantes se vurent obliger de quitter les lieux. Lënn faisait partie de ces jeunes filles qui avaient vu la mort les froler mais qui avait réussi à s'échapper à temps. Hyûn, l'une d'elles, fini par se lier d'amitié avec elle. C'est donc ensemble qu'elles prirent la fuite, après la disparition des deux autres survivantes qui les avaient, jusqu'à lors, toujours accompagnées. La soif et la faim vinrent bientôt doubler les traumatismes qui les rongeaient déjà. Désespérée, Hyûn finit par s'initier seule au vol et devint une Swündle indépendante. Mais, rapidement, les autorités qui traquaient ces enfants mirent la main sur la jeune fille qui disparu. Lënn était seule. Seule avec ses larmes et ses mauvais souvenirs. Cela faisait un an que la guerre avait débuté. Elle s'était mise à errer sans but dans les rues du pays, se cachant aux bons moments, se nourrissant de ce qu'elle trouvait. Un beau jour, alors qu'elle s'était installée dans un coin d'une sombre ruelle d'une ville tout aussi sombre, son chemin croisa celui d'un jeune garçon. Poursuivit par les autorités, il courait, courait, courait sans ne plus s'arrêter, manquant parfois de s'écrouler, tant le froid avait engourdi ses muscles, tant il semblait avoir peur. Les adultes, eux, couverts par de grosses combinaisons aux couleurs peu sympathiques, le poursuivaient tout en lui tirant dessus. Il ne semblait pourtant pas être un Swündle et ne portait rien avec lui. Comprenant qu'il se dirigeait vers le port, Lënn décida de les suivre discrètement. Au moment où il fut cerné, il fit ce que la jeune fille craignait. Il plongea dans l'eau, un léger sourire aux lèvres, comme s'il était content de mettre ainsi fin à ses jours. Les quelques adultes armés qui le poursuivaient restèrent un instant figés, comme s'ils ne comprenaient pas la réaction du garçon, puis finirent par disparaitre après avoir jeté quelques coups d'oeils autour pour voir s'il ne s'agissait pas encore d'une supercherie. Quand ils furent partis, Lënn s'écrasa sur le sol, encore plus désespérée qu'avant. Ses membres tremblaient et ses yeux brillaient, tant elle avait peur. Elle se releva, toujours tremblante et s'agenouilla au bord du pont où il avait sauté. Elle scruta la mer, l'écume, espèrant voir le visage du jeune garçon rejaillir des flots. Mais il n'en fut rien. D'un coup, elle sentit sur son dos une main qui la fit sursauter. Telle ne fut pas sa surprise quand elle découvrit que derrière elle, se tenait le fameux garçon! Tout sourire, il lui tendit la main et attendit qu'elle la saisisse pour la relever. Des larmes montèrent aux yeux de Lënn, lui serrant la gorge comme jamais. Puis, elle éclata en sanglot, à la plus grande surprise du jeune garçon qui hésita avant de la prendre dans ses bras. Après cet évènement, ils devinrent amis. Lënn s'installa "chez lui". Elle tomba amoureuse. Mais, ce qu'elle ne savait pas, c'est qu'elle n'était, depuis cette histoire, plus la même. C'est à ce moment bien précis que sa vie prit une tournure différente. Elle avait désormais un but. Elle devait sauver son monde. Leur monde.

 

 

 

 

 

Le son des cloches résonnait de manière incessante dans son esprit. Il l'avait totalement envahit, tellement qu'elle n'entendait plus rien d'autre. Comme vidée, elle ne prononçait plus un mot. A quoi bon, elle ne les entendait même plus! Ses yeux, même s'ils étaient perpetuellement ouverts, ne lui servaient plus. Elle avait, en même temps que son ouïe et ses mots, perdu sa vue. Elle ne se levait plus. Elle se contentait de fixer, allongée sur le seul lit qui trônait dans la maison en ruine, le plafond fissuré et humide. Parfois, elle souriait, sentant la présence de celui qu'elle aimait.. mais ses activités se limitaient à cela. Nel, lui aussi avait tout arrêté pour s'occuper d'elle. Il savait très bien que, à un moment ou un autre, elle le quitterait. C'est pour cela qu'il restait, nuit et jour, à ses côtés, profitant que chacun de ses instants avec elle, lui murmurant des mots qu'elle se contentait de sentir, au fond d'elle. Cinq ans s'étaient écoulés après le début de la guerre. C'est lors d'une de ces matinées de printemps que le coeur de Lënn finit par lâcher. L'espoir avait tellement rempli son âme qu'elle s'était mise à briller, faisant d'elle une étoile qui brillait désormais sur le monde, éclairant parfois les routes des vagabonds que la guerre avait ruinés. Nel savait qu'elle allait revenir. Elle n'était juste plus dans le même monde. Il suffisait d'attendre. Elle allait revenir pour mettre un terme à cette guerre inutile. Elle allait agir comme une véritable Déesse. Et il avait raison.